5 films des années 90 qui feraient scandale aujourd’hui
Publié le Par Khalil Auguste Ndiaye
Les années 90 nous ont offert des classiques culte, mais aussi des intrigues et des personnages qui, revus en 2025, posent un vrai problème. Petit retour sur cinq films mythiques qui, s’ils sortaient aujourd’hui, déclencheraient probablement des polémiques enflammées.
On adore les revoir pour le côté nostalgique, mais certains films des années 90 ont très mal vieilli. Des blagues sexistes aux représentations stéréotypées, en passant par des intrigues qui minimisent des sujets graves, ces longs-métrages culte seraient aujourd’hui décortiqués à la loupe par les réseaux sociaux et passés au tribunal de l’opinion publique. Serieously vous propose cinq exemples criants de classiques 90s qui feraient scandale s’ils sortaient en salles maintenant.
Les films American Pie

Vous connaissez forcément les films American Pie. Culte pour un humour ado décalé et sans limites, la saga, commencée en 1999 avec le premier du nom, est toujours d’actualité aujourd’hui, avec un dernier film nommé Girls Power sorti en 2020. Portée par de jeunes acteurs et des personnages devenus iconiques (Stifler en tête de liste), le ton de la saga, tournant surtout autour du sexe et qui a beaucoup plu à l’époque, est aujourd’hui potentiellement son plus grand point faible. Critiqué surtout pour son sexisme, American Pie est surtout la tête d’affiche d’une époque de comédies pour ado impertinentes où les minorités sont la cible de toutes les blagues. Les femmes notamment, vues comme l’objet de désir ou plutôt le prix ultime pour les hommes de la saga, sont limitées à leurs corps et à la capacité des héros à coucher avec.
Même si la saga a essayé de changer cette image, notamment dans le dernier en date, en mettant les femmes en avant, l’hypersexualisation et l’objectification restent le coeur de l’humour des films American Pie. Les critiques tournent particulièrement autour du personnage, ou plutôt la famille de personnages, de Stifler. Tête à claques dans les films principaux, ses nombreux cousins sont au centre des spin-offs de la série, où le but est souvent d’attirer le plus de femmes dans leurs lits, par tous les moyens possibles. Comme l’a expliqué Jason Biggs, interprète du protagoniste Jim Levenstein, en interview au média conservateur FOX News « la comédie est en train de changer. On ne pourrait certainement plus faire beaucoup de ces choses maintenant, vous savez, et on ne devrait pas, mais on l’a fait, et c’était le reflet de l’époque. Je pense qu’il y a des choses dont les gens se permettront encore de rire compte tenu du contexte du film. Tout le monde devrait être d’accord que la scène où Nadia est filmée à son insu n’est PAS quelque chose de normal« .
Pretty Woman

Avec Richard Gere et Julia Roberts, Pretty Woman est devenu le conte de fées moderne par excellence, mais difficile de revoir le film culte aujourd’hui sans s’interroger sur le message. L’histoire repose sur une romance entre un homme d’affaires richissime et une prostituée qu’il « sauve » en la sortant de sa condition, comme un prince charmant tirant sa Cendrillon des bas-fonds. Derrière la comédie romantique glamour se cache une vision assez patriarcale. Vivian n’existe quasiment qu’à travers le regard et l’argent d’Edward, comme si sa valeur et son avenir dépendaient de lui.
Le film élude totalement la réalité de la prostitution et en donne une image édulcorée, presque romantisée, où l’héroïne rayonne en robe de soirée plutôt qu’en femme confrontée à la précarité et aux violences. Bien que Vivian soit également mise en avant pour son indépendance et le fait qu’elle change aussi Edward en bien, beaucoup de critiques actuelles soulignent à quel point le scénario perpétue le mythe de la femme à sauver et l’idée que l’amour passe forcément par la domination économique de l’homme.
Le film Basic Instinct

À sa sortie, Basic Instinct a fait sensation, notamment grâce à son ambiance sulfureuse et à la performance de Sharon Stone dans le rôle de Catherine Tramell. Mais le film a aussi déclenché une énorme polémique en 1992, et aujourd’hui il serait probablement encore plus critiqué. Le thriller érotique est accusé de misogynie. Catherine, femme brillante, indépendante et très (très) sexualisée, est constamment présentée comme manipulatrice, dangereuse et liée au mal. Sa sexualité décomplexée est utilisée comme une arme, renforçant le cliché de la “femme fatale” destructrice. De plus, le film a suscité de vives réactions de la communauté LGBTQ+, puisque plusieurs personnages queer sont associés à la violence, à la folie ou à la perversion.
Le traitement de Sharon Stone elle-même pose aussi problème. L’actrice a raconté avoir été piégée sur la célèbre scène du croisement de jambes, où l’on voit son intimité. Même si le réalisateur Paul Verhoeven lui avait assuré que cela ne serait pas visible à l’écran, la scène est restée culte pour cette raison précise pourtant, malgré la tentative de l’actrice de faire retirer la scène. Entre la misogynie de fond, la stigmatisation des minorités et les méthodes de tournage abusives, Basic Instinct cristallise tout ce que le cinéma des années 90 pouvait normaliser, mais qui passerait très difficilement dans une industrie plus au fait de ces problématiques.
American Beauty

Sacré aux Oscars en 2000, American Beauty était perçu comme une critique acerbe de la société de banlieue américaine, mais aujourd’hui, beaucoup de ses thèmes posent problème. Le personnage principal, Lester Burnham (Kevin Spacey), est un quadragénaire en pleine crise existentielle qui… fantasme sur l’amie adolescente de sa fille. Même si le film ne va pas jusqu’à franchir certaines limites, cette intrigue centrale est très malaisante à la lumière actuelle. Elle banalise, voire romantise, le regard d’un homme adulte sur une mineure. En plus, le fait que Lester soit présenté comme une sorte de héros tragique en quête de liberté accentue l’inconfort. On finit presque par se demander s’il faut sympathiser avec un comportement qui, dans la réalité, serait inacceptable.
Le film pose aussi question dans son rapport aux stéréotypes. La famille modèle principale est dysfonctionnelle, non pas à cause des fantasmes malsains du mari, mais plutôt à cause de l’infidélité de la femme. Le voisin est un homophobe caricatural, mais en réalité un homosexuel refoulé. Et avec le scandale autour de Kevin Spacey, American Beauty prend un goût encore plus amer. Sorti en 2025, il serait sans doute accusé de romantiser la pédocriminalité et d’édulcorer des dynamiques de pouvoir dangereuses.
Mary à tout prix

À sa sortie, Mary à tout prix était un carton comique, porté par Cameron Diaz et Ben Stiller, et salué pour son humour décalé et irrévérencieux. Mais avec un regard actuel, beaucoup de ses gags apparaissent extrêmement problématiques. La scène culte où le sperme de Ted se retrouve sur son oreille et sert de gel coiffant à Mary est peut-être devenue culte, mais elle repose sur une humiliation sexuelle qui passerait beaucoup moins aujourd’hui. D’autres moments frôlent la cruauté gratuite, notamment dans la manière dont le film représente le handicap mental à travers le frère de Mary, souvent utilisé comme ressort comique et appelé d’un mot jugé comme insultant en anglais pour les handicapés mentaux.
Le tout sans parler des nombreux comportements de harcèlement… plusieurs personnages masculins s’immiscent dans la vie de Mary, la suivent, la manipulent ou mentent pour obtenir ses faveurs, et tout cela est traité sur un ton léger, voire attendrissant. En 1998, on parlait d’une comédie romantique audacieuse et transgressive. En 2025, elle serait probablement épinglée pour sexisme, humour validiste et une vision toxique des relations amoureuses, où l’obsession et la manipulation sont normalisées.
Khalil Auguste Ndiaye