5 scènes de Friends qui feraient scandale aujourd’hui

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Série culte des années 90, Friends a fait et continue de faire rire des millions de fans à travers le monde. Mais certaines scènes, revues avec un regard actuel, passent beaucoup moins bien…

Quand Friends débarque sur NBC en 1994, personne ne s’attend à un tel raz-de-marée culturel. Dix saisons, 236 épisodes et un fandom mondial plus tard, la sitcom reste un incontournable du petit écran. Pourtant, ce qui faisait rire hier peut paraître problématique aujourd’hui. Homophobie latente, body shaming, représentations douteuses… certaines séquences ne passent plus aussi facilement et divisent les fans à chaque revisionnage. Retour sur 5 moments de Friends qui créent régulièrement la polémique.

L’homophobie dans Friends

@ NBC

L’une des critiques les plus récurrentes autour de Friends concerne son traitement des personnages LGBTQ+. Ce qui, à l’époque, pouvait sembler comme de simples blagues de sitcom, apparaît aujourd’hui comme de l’homophobie à peine voilée. Dès les premières saisons, Carol et Susan, l’ex-femme de Ross et sa compagne, deviennent des cibles régulières de moqueries. Plutôt que de valoriser ce couple pionnier à la télévision mainstream, la série utilise leur relation comme ressort comique, souvent pour rabaisser la virilité de Ross. Ce dernier refuse même de reconnaître pleinement leur statut de couple, préférant les qualifier de simples “amies”.

Si leur mariage en saison 2 a marqué l’histoire en représentant l’un des premiers mariages lesbiens diffusés sur une grande chaîne, il a été censuré de moments symboliques accordés aux couples hétéros, comme le baiser post-cérémonie. De nombreux fans, en revisionnant la série, soulignent à quel point ces détails paraissent blessants. Pour Jane Sibbett, l’actrice de Carol, l’impact était palpable jusque dans sa vie personnelle. Elle a raconté avoir été insultée dans la rue, harcelée par une femme de son ancienne église qui l’a invitée à « aller brûler en enfer« , et même mise à l’écart par son père, qui refusait de regarder la série ou organisait des réunions bibliques à l’heure de diffusion pour éviter toute confrontation. Ce n’est qu’après un message de son parrain qu’il a finalement reconnu la portée positive de ce rôle.

Mais Friends ne s’est pas arrêté là. L’épisode de « l’homme nounou », où Ross insiste pour que Rachel renvoie leur baby-sitter simplement parce qu’il est sensible et donc, selon lui, forcément gay, est aujourd’hui perçu comme particulièrement gênant. Chandler, de son côté, est constamment la cible de blagues insinuant qu’il pourrait être homosexuel, blagues qui renforçaient, pour de nombreux spectateurs queer, la honte ou la peur d’assumer leur identité. Comme l’a confié un fan, “ces piques homophobes jouées pour rire ont eu un vrai impact, elles m’ont fait douter et m’ont suivi jusque dans mon coming-out.”

Le body shaming de Monica

monica geller dans la saison 4 de friends
© NBC

Un autre point qui cristallise la critique autour de Friends aujourd’hui, c’est son traitement de Monica et la grossophobie omniprésente dans la série. Bien que le personnage interprété par Courteney Cox soit l’une des plus minces du casting, son passé de “grosse Monica” est régulièrement utilisé comme ressort comique.

Dans les flashbacks ou dans l’épisode “Celui qui aurait pu être”, Monica est affublée d’un costume de grosse (ou « fat suit ») et systématiquement tournée en ridicule : elle mange sans arrêt, peine à se lever d’un pouf, danse seule en engloutissant des donuts… et surtout, elle est dépeinte comme une trentenaire désespérée et vierge uniquement à cause de son poids. Le message implicite est clair, dans l’univers de Friends, être gros revient à être malheureux, indésirable, et réduit à une existence pathétique. Les rires enregistrés retentissent dès que “Fat Monica” apparaît à l’écran, renforçant cette idée.

Les blagues s’enchaînent autour de ce personnage d’ailleurs. Joey lâche un « Quelqu’un a mangé Monica » devant une vieille vidéo, ou encore le père de Monica obligé d’élargir son plan caméra parce qu’elle ne “rentre pas dans le cadre . Tout au long de la série, le message est clair : Monica est devenue “attirante” uniquement parce qu’elle a perdu du poids. Un message extrêmement problématique que certains cherchent toutefois à nuancer.

Dans son essai Celui qui philosophait…, Clémentine Haynes estime que les scénaristes n’avaient pas pour but de ridiculiser l’obésité, mais de montrer une Monica joyeuse, pleine de vie, qui danse sans se soucier du regard des autres, ce qui pouvait presque apparaître comme une forme de confiance en soi. De plus, Monica deviendra cheffe cuisinière, une héroïne ambitieuse et résiliente.

Reste que, malgré cette lecture alternative, l’image qui domine est celle d’une sitcom où la grossophobie est banalisée, voire applaudie par les rires du public. En revisionnant la série sur Netflix, de nombreux fans s’avouent choqués par la cruauté de ces gags. Et si Lisa Kudrow elle-même invite à regarder Friends comme une “capsule temporelle”, beaucoup estiment qu’il s’agit surtout d’un rappel de la manière dont la télévision des années 90 se permettait d’humilier les corps hors normes.

Chandler et la transphobie autour de sa mère

Helena dans Friends
© NBC

L’un des sujets les plus sensible de Friends reste sans doute le traitement réservé à Helena, la mère transgenre de Chandler, interprétée par Kathleen Turner. Présentée à l’écran comme une drag-queen de Las Vegas, Helena est en réalité une femme trans, un aspect jamais assumé ni respecté par l’écriture de la série. Friends en a fait un ressort comique quasi permanent, les personnages la mégenrent systématiquement, Chandler continue de l’appeler « papa », et de nombreuses blagues visent son apparence ou sa légitimité. À plusieurs reprises, Helena devient un simple gag basé sur le trope transphobe très répandu dans les années 90 et 2000.

Le problème atteint son paroxysme dans l’épisode de la saison 7 où Chandler la présente à Monica. Le scénario multiplie les répliques humiliantes, renforçant la honte de Chandler vis-à-vis de son parent, et réduit Helena à une caricature. Ce traitement a été vivement critiqué par la suite, d’autant plus que Kathleen Turner elle-même a reconnu qu’elle refuserait désormais ce rôle, considérant que ces scènes n’ont pas bien vieilli. La co-créatrice Marta Kauffman a d’ailleurs exprimé ses regrets, expliquant que « nous n’avions pas de connaissances sur les personnes transgenres à l’époque, donc je ne suis pas sûre que nous ayons utilisé les termes appropriés. Je ne sais pas si je connaissais ces termes à l’époque. Je pense que c’est mon plus gros regret« . Aujourd’hui, ces séquences sont vues encore comme l’un des angles morts les plus douloureux de Friends.

Phoebe se fait agresser sexuellement dans Friends

rachel, paolo, friends
© NBC

Un autre moment particulièrement dérangeant de Friends se trouve dès la saison 1, dans l’épisode 12. Phoebe, qui travaille alors comme masseuse, se retrouve victime d’une agression sexuelle de la part de Paolo, le petit ami italien de Rachel. Pendant la séance, il commence par lui caresser la jambe, puis lui touche les fesses sans son consentement. Des gestes graves, qui devraient être dénoncés comme tels, mais que la série présente avec légèreté, comme une simple tentative de flirt un peu lourde. Pire encore, la réaction de Phoebe n’est pas tournée vers ce qu’elle a subi, mais vers la peur de blesser Rachel en lui révélant la vérité. À aucun moment, le scénario ne nomme ou ne reconnaît la gravité de l’acte.

Avec le recul, cette scène choque par sa banalisation d’un comportement qui relève clairement de l’agression sexuelle. Même Cosimo Fusco, l’acteur qui incarnait Paolo, a confié être mal à l’aise avec ce rôle. Dans une interview, il a pointé du doigt à la fois la caricature du séducteur italien qu’on lui imposait d’incarner et la lourdeur irrespectueuse de la scène avec Phoebe. Il se souvenait même avoir négocié certains aspects du tournage pour ne pas se sentir complètement mal à l’aise avec sa présentation. Ce qui, à l’époque, a été écrit et perçu comme un ressort comique est aujourd’hui vu comme l’un des angles les plus problématiques de Friends, d’autant plus à la lumière des débats post #MeToo.

Ross

Ross qui pose deux doigts contre sa tempe
© NBC

On a déjà parlé de son problème avec l’homme nounou, mais Ross est aussi probablement le personnage le plus problématique de Friends en général. Son comportement envers Rachel illustre bien sa jalousie maladive et son besoin de contrôle à plusieurs reprises. Il arrive à son bureau avec un panier de pique-nique pour vérifier qu’elle ne parle pas à ses collègues masculins, et inonde son espace de travail de cadeaux dans une logique claire de marquage de territoire.

Dans sa vie personnelle, Ross accumule aussi les attitudes sexistes, notamment dans l’épisode où son fils Ben joue avec une Barbie. Incapable d’accepter que son enfant s’amuse avec un jouet jugé « féminin » , il tente de le détourner vers un G.I. Joe ou un dinosaure, au point d’en faire un drame. Ironie du sort, Monica lui rappelle qu’enfant, il s’amusait lui-même à se déguiser en femme lors de leurs goûters.

Ross manifeste à plusieurs reprises son inconfort face aux hommes qui ne correspondent pas à sa vision étroite de la masculinité. Ses insécurités ressortent aussi dans son couple avec Rachel. Il se compare sans cesse à Paolo, son rival musclé et viril (et accessoirement agresseur sexuel notoire), au lieu de se concentrer sur leur relation.

Enfin, impossible d’évoquer Ross sans revenir à son plus grand scandale : son infidélité à Rachel lors de la fameuse nuit du “we were on a break”. Au-delà du débat sur la légitimité de cette excuse, Ross refuse d’assumer ses responsabilités et campe obstinément sur sa défense, quitte à ruiner toute possibilité de réconciliation. Sa mauvaise foi, sa jalousie et son incapacité à se remettre en question font de lui un personnage dont les défauts, autrefois tournés en ridicule, apparaissent aujourd’hui sous un jour bien plus toxique.

Khalil Auguste Ndiaye

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