Hélène et les garçons : 5 intrigues qui ne pourraient plus passer aujourd’hui
Publié le Par Khalil Auguste Ndiaye
Entre histoires d’amour à l’eau de rose et personnages hauts en couleur, Hélène et les garçons en a marqué plus d’un dans les années 90. Mais derrière l’innocence apparente de la série culte se cachent des histoires parfois si sombres qu’elles ne passeraient plus du tout aujourd’hui.
280 épisodes diffusés entre 1992 et 1994, des personnages iconiques… Hélène et les garçons a marqué toute une génération. D’abord un simple spin-off de Premiers Baisers, la série a su imposer ses propres codes : des histoires d’amour simples, des discussions sans fin autour d’un soda à la cafétéria, et une bande-son guitare toujours prête. Mais au fil des saisons, la série d’AB Productions a tenté de se frotter à des sujets bien plus graves. Et le résultat ? Des intrigues qui, aujourd’hui, poseraient un vrai problème de fond et de traitement. Des tentatives de viol à la drogue, en passant par une fausse couche ou le suicide, Hélène et les Garçons a souvent abordé la gravité avec une légèreté scénaristique déconcertante. Voici cinq épisodes ou arcs narratifs qui seraient très difficiles à justifier aujourd’hui sur le petit écran.
Sommaire
Hélène droguée… à son insu

C’est sans doute l’intrigue la plus connue… et la plus controversée. Dans un mini-arc de six épisodes, Hélène se retrouve droguée à son insu après avoir mangé un space cake préparé par Thomas Fava, un producteur manipulateur à l’allure bien sous tous rapports. Résultat : hallucinations, délires et perte totale de repères pour l’héroïne modèle. La scène où elle vacille, en pleine crise de paranoïa, est devenue culte, autant pour sa rare intensité dramatique que pour son ton détonnant avec le reste de la série.
TF1, paniquée par cette chute brutale de sa figure centrale et la réaction du public, censurera toute l’intrigue. Jugée trop risquée pour l’image lisse d’Hélène, elle ne sera diffusée qu’en Suisse et en Belgique, loin des écrans français. Encore aujourd’hui, le traitement naïf, voire irresponsable, du consentement et des effets de la drogue fait grincer des dents. La scène évite soigneusement toute discussion sur le traumatisme, et la série passe vite à autre chose, comme si ce bad trip n’avait été qu’un mauvais rêve.
Le sida utilisé pour manipuler

Le personnage de Thomas Fava, producteur manipulateur interprété par David Brécourt, révèle progressivement qu’il est séropositif et use de cette information pour faire pression sur Nicolas et Hélène. Sous prétexte de maladie grave, il exige la signature d’un contrat protégeant notamment ses intérêts. La bande, ignorant tout du VIH, est projetée dans une situation délicate : Nathalie, en particulier, panique à l’idée d’avoir été contaminée après une relation non protégée avec Fava.
Pourtant, le traitement de l’intrigue est loin d’être convaincant. Le sujet du sida est abordé de manière superficielle et moralisatrice, sans contexte médical ni véritable sensibilisation. Sa révélation devient un outil narratif pour exposer la manipulation et le chantage affectif de Fava, plutôt qu’un moment de réflexion. Le personnage se sert de sa maladie comme moyen de culpabilisation, sans nuance ni respect du vécu des personnes concernées. Pire encore, l’ambiance générale de la série détonne complètement avec le sujet abordé, notamment dans les répliques. Le fameux « Fais attention Nicolas, si tu me tapes, je vais saigner. Je te rappelle que je suis séropositif. » du producteur restera un moment tristement célèbre de cet arc.
Linda fait une fausse couche…

Dans un autre arc dramatique, Linda, après un accident de cheval, apprend qu’elle a fait une fausse couche. La caméra reste longtemps braquée sur son visage, les dialogues s’aventurent dans un registre rarement exploré dans la série : le deuil périnatal. On voit une Linda hébétée, muette, figée dans un chagrin que personne autour d’elle ne semble savoir comment accompagner. Si l’intention semble sincère et la scène tente de capter l’émotion brute d’un tel moment, la mise en scène maladroite, combinée à l’absence totale de suivi narratif de cette storyline, pose de vrais problèmes. On passe rapidement à autre chose, comme si rien ne s’était produit, réduisant l’événement à un simple ressort dramatique, vidé de toute portée émotionnelle durable.
Aujourd’hui encore, un tel épisode soulèverait des questions : comment traiter de sujets aussi graves dans une série pensée avant tout pour un public adolescent ? Et surtout, comment ne pas trahir ces thématiques en les effleurant juste pour provoquer un choc narratif ? Une problématique récurrente pour Hélène et les garçons, surtout avec le personnage de Linda, qui a connu de réelles difficultés dans la série…
La tentative de suicide de Linda (puis Nathalie)

Dans l’épisode 146, Linda, dévastée par sa rupture avec Sébastien, avale une boîte entière de somnifères. C’est Hélène et Laly qui la retrouvent, inconsciente, gisant sur le sol. Une scène choc pour les fans, qui marque une rare incursion de la série dans un sujet aussi grave que la tentative de suicide. Mais comme souvent dans Hélène et les Garçons, le traitement reste très en surface : peu de mise en contexte, quasi aucune exploration psychologique du mal-être de Linda, et une résolution rapide, presque bâclée.
Lors d’une rediffusion, un message de prévention a bien été inséré à l’écran, tentative tardive de corriger le tir, mais la mise en scène, elle, ne laissait que peu de place à l’empathie ou à la réflexion. Le geste de Linda apparaît presque comme une réaction impulsive, déconnectée d’un réel désespoir. Et ce ne sera pas un cas isolé : plus tard, Nathalie aussi tentera de mettre fin à ses jours, dans une séquence tout aussi expédiée.
Taxi agressée sexuellement… et les garçons face à la violence

Pour clôturer la série, les scénaristes ont décidé de se lancer dans un arc narratif d’une violence inattendue : Taxi, une jeune femme kleptomane et marginale du groupe, est sexuellement agressée à la sortie d’une boîte de nuit. Une fois le choc passé, plutôt que de prendre le temps d’explorer les conséquences psychologiques ou sociétales d’un tel traumatisme, la bande d’amis, armée de battes de baseball, se transforme en justiciers improvisés. La séquence de vengeance se déroule dans un style presque parodique : une bagarre filmée comme un mauvais film d’action, pleine de coups dans le vide, de plans serrés, avant que tout ne soit rapidement expédié. Et puis, miracle, la conclusion glisse presque sur une note positive, comme si un petit coup de yoga effaçait tout…
Le traumatisme est ainsi minimisé, voire effacé, relégué au rang d’élément de suspense de fin de saison. Pire encore, la violence masculine est glorifiée. Aucun accompagnement, aucune parole consacrée au traitement psychologique de Taxi, aucun message clair sur le consentement ou l’importance du soutien post-agression. Ce contenu est tellement dérangeant que TF1 choisira de ne pas diffuser l’épisode. Le final de la série sera finalement proposé en 2004, soit dix ans plus tard, sur AB1. Une décision qui en dit long sur le malaise autour du sujet.
Khalil Auguste Ndiaye