De Ma Sorcière Bien-Aimée à Sex Education : évolution de la représentation du sexe dans les séries

De Ma Sorcière Bien-Aimée à Sex Education : évolution de la représentation du sexe dans les séries

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La sortie de la saison 3 de Sex Education sur Netflix pousse à la réflexion. Derrière ses airs de teen série, elle brise de nombreux tabous tout en forçant l’admiration face à une jeunesse plus libérée et paradoxalement en proie à de multiple questions sur la sexualité. Des questions qui nous animent, tous. L’arrivée donc de ce nouveau chapitre en 8 parties nous amène à une question fondamentale : comment la représentation de la sexualité a-t-elle évolué à l’écran ? Réponse.

Attention, cet article est loin d’être exhaustif

En une soixantaine d’années, le paysage télévisuel a évolué. Le constat est simple, ce que l’on voit à l’écran dans les séries n’a plus grand chose à voir avec ce qu’on y voyait il y a 20, 30 voire 40 ans si l’on remonte aux années 80. En parallèle du fait que la société change, les contenus qui sont développés évoluent eux aussi. Normal, peut-on dire, s’il l’on considère que la télévision en général et les séries en particulier sont le reflet d’une société un instant T ou encore le reflet de générations. Dans cette optique, c’est la représentation entière de sujets de société qui s’en est trouvée modifiée, comme par exemple l’avènement du sexe à l’écran. Ne rougissez pas, si vous regardez Sex Education c’est concrètement LE sujet numéro un de la série.

Comment en est-on arrivé là ? Il y a plusieurs dizaines d’années, l’idée même d’une série à portée quasi-éducative sur le sexe faisait frémir. Aujourd’hui, on crie au génie et on remercie le ciel de nous offrir une teen série comme Sex Education avec aussi peu de tabous (on se rappelle tous de cette scène où Otis se masturbe dans la voiture en attendant sa mère), qualitative, aux messages forts et avec des représentations explicites des organes reproducteurs (pensées pour la collection impressionnante et personnelle des différents phallus de Jean Milburn).

Cachez ces scènes de sexe qu’on ne saurait voir

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© Sony Pictures

“Le temps où le sexe à la télé semblait tout droit tiré d’une version censurée du Kama Sutra pour les nuls est dépassée”, dit Maïa Mazaurette dans l’une de ses chroniques sur France Inter en avril 2021. Et à juste titre, l’acte sexuel et la sexualité en général ont longtemps été passés sous silence face caméra. Alors que Ma Sorcière bien-aimée montre pour la première fois un couple ensemble au lit, les séries diffusées dans les années suivantes suggèrent la sexualité qui n’est que peu voire pas montrée.

À titre d’exemple, lorsque Dawson et Jen ont un rapport sexuel dans l’épisode 8 de la saison 5 de la teen série culte de la fin des années 1990, il est suggéré. Les deux adolescents sont d’abord en train de discuter sur un lit. Ils s’embrassent et commencent à se déshabiller. Si l’on voit Dawson retirer son tee-shirt, Jen n’est pas montrée nue. Un fondu se fait et on retrouve plus tard les deux héros côte à côte dans un lit aux draps de satin violet. Ce qu’il s’est passé entre temps reste entre eux, mais les téléspectateurs l’ont bien compris. L’approche des relations sexuelles à l’époque est quasi moralisatrice, les personnages frivoles sont plutôt mal vus, le sexe présenté de façon pudique et les relations homosexuelles passées sous silence.

D’années en années, de révolution en révolution

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© HBO

Bien que la sexualité soit une thématique souvent abordée dans les séries, Sex and the City change la donne. La série de Darren Star sortie en 1998, montre une nouvelle sexualité et, mieux encore, un désir de femme assumé. “Dès l’épisode pilote de Sex and the City, Samantha souligne que la distribution traditionnelle du pouvoir est troublée par l’accès des femmes à des comportements sexuels historiquement masculins : « C’est la première fois dans l’histoire de Manhattan que les femmes ont autant d’argent et de pouvoir que les hommes, en plus du luxe équitable de pouvoir traiter les hommes comme des objets sexuels », note Céline Morin, sociologue, dans Sexualité et redistribution des pouvoirs dans les séries américaines paru en 2014.

En parallèle, d’autres scènes de sexe marquent un véritablement tournant côté séries. Impossible de ne pas mentionner la première scène entre deux femmes à la télévision américaine dans Buffy contre les vampires, avec Willow et Tara.

Dès lors, les séries prennent des allures de “toujours plus loin, toujours plus fort, toujours plus explicite”. Adieu les portes fermées sur deux silhouettes suggérant ce qu’il va se passer entre les quatre murs, adieu sous-entendus plus ou moins évidents. Les séries des années 2000 font écho à une certaine révolution sexuelle que la société vit à l’ère de la saga potache American Pie. La teen série britannique Skins en est la preuve. Sortie en 2007, la série montre l’adolescence sous un nouveau jour : le sien à cet instant précis. Fini les ados présentés comme des enfants de choeurs, faussement choqués dès que l’on prononce le mot s.e.x.e, dans Skins, les personnages sont sans tabous et ne pensent qu’à une chose : au sexe. Dès le premier épisode, Tony (Nicholas Hoult) prend Sid (Mike Bailey) sous son aile pour l’aider à perdre sa virginité. Voilà qui en dit long.

Girls, le sexe sans filtre

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© HBO

En 2012, débarque sur HBO la série de Lena Dunham, Girls. Après l’ère Skins et American Pie, la série nous montre elle aussi le sexe sous un nouveau jour : le vrai. Lena Dunham s’y présente sans filtres, sans glamourisation à l’extrême, simplement mise à nue dans tous les sens du terme. Girls marque alors une nouvelle étape dans la représentation du sexe dans les séries : il peut aussi être vrai, pur, brut voire cru. Lena Dunham sous les traits d’Hannah Horvath montre son corps tel qu’il est et dans des positions sexuelles parfois peu flatteuses, jugeront certains. Qu’importe, la série nous prouve qu’on peut montrer à la télévision une sexualité vraie, sans faux-semblants. Et ça change tout !

Au fil des années qui suivent, on ne compte plus le nombre de séries totalement décomplexées qui ont fleuri sur les différentes plateformes. Netflix et Elite en tête de fil. À Las Encinas les entre cours sont encore plus chauds qu’une canicule en plein été. Les adolescents y sont présentés comme des êtres mués de désir, avides d’expérimentations toutes plus osées les unes que les autres. Sexe, drogue et musique techno font notamment le bonheur de Patrick, Ander et Omar. Dans Elite le plaisir se pratique entre personnes de sexes opposés, du même sexe, à deux, à trois ou en solitaire : tous les coups sont permis.

Sex Education ou quand les séries jouent un rôle quasi-éducative

Sex Education
© Netflix

Avec Sex Education, la représentation du sexe dans les séries prend une toute nouvelle tournure. Il ne s’agit pas de montrer du cul pour du cul, loin de là, mais les séries prennent alors un nouveau rôle dans le développement de l’adolescence : un rôle éducatif. Le programme britannique Sex Education en est totalement la preuve, puisqu’outre le divertissement qu’elle propose, le show porté par Asa Butterfield et Gillian Anderson en thérapeute sexuelle a une portée pédagogique assumée. Une preuve évidente que l’on peut parler de sexe sans pour autant montrer des corps dénudés à chaque scène. Et pourtant, le ton y est décomplexé et les choses dites. On parle de pénis, de vagin, d’orgasme, de vulve, de masturbation, de relations homosexuelles, de jeux de rôles, de genre.

En d’autres termes, Sex Education est une série représentative de l’époque contemporaine. À l’heure où les conversations se sont ouvertes sur la sexualité des adolescents, elle dépeint une réalité loin des gloussements des années 90-00, dès qu’on entend “couille” en cours de SVT.

Jusqu’où iront les séries ? Seul l’avenir nous le dira, une chose est sûre, ouvrir le dialogue sur l’un des sujets les plus discutés fait du bien !

Amandine Rouhaud

Amandine Rouhaud

Journaliste

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