Pourquoi les comédies romantiques modernes sont-elles de plus en plus cyniques ?
Publié le Par Drifa Maza

Sorti ce 2 juillet en salles en France, Materialists se démarque particulièrement des autres comédies romantiques classiques en raison de son cynisme utilisé tout au long du film, caractérisé notamment par le comportement des personnages et les dialogues. Cette tendance ne se limite pas qu’au cinéma de Celine Song, mais s’étend au genre tout entier. Pourquoi ce renouveau est-il de plus en plus présent ?
Les comédies romantiques modernes ne sont plus celles d’autrefois. Les longs-métrages mettant en avant des relations amoureuses sortis à la fin des années 90 et au début des années 2000 reflètent une société et des moeurs d’antan, tandis que les films plus récents se dirigent vers l’avenir en se positionnant catégoriquement sur les bonnes valeurs à partager au public, tout en apportant une certaine subtilité aux propos.
Celine Song, réalisatrice à qui l’on doit le multirécompensé Past Lives, est une marque moderne de la comédie romantique. Grâce à ses expériences personnelles et professionnelles, la jeune cinéaste parvient à s’emparer du genre en le rendant plus dramatique, mais aussi plus cynique pour qu’il soit le plus réel et réaliste possible.
Anora, Simple comme Sylvain, Mes rendez-vous avec Leo, Past Lives ou encore Julie (en 12 chapitres) sont tous des films romantiques sortis durant ces cinq dernières années qui n’ont pas peur de montrer à l’écran les travers de l’amour et de la société. Materialists s’inscrit donc dans cette continuité, comme l’a expliqué Celine Song lors d’un entretien avec Serieously.
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Les comédies romantiques : un genre pour les grands rêveurs

Avec son deuxième long-métrage, Celine Song solidifie le renouveau du genre. Si Past Lives traitait des relations humaines entre les hommes et les femmes, Materialists ne diffère pas tellement. Dans son ultime projet, la réalisatrice met en scène Dakota Johnson, Chris Evans et Pedro Pascal dans un triangle amoureux tumultueux et bouillonnant de désir. Malgré les fossés et les classes qui les séparent, les trois protagonistes sont des aimants l’un pour l’autre.
Materialists fait de New York un personnage à part entière. La ville américaine est personnifiée puisqu’elle guide les héros dans leurs choix et décisions. « Pour vivre à New York City, il faut être un romantique […] Juste pour survivre dans la ville, il faut être assez cynique et réaliste« , nous a alors confié Celine Song. Pour briser la glace et le mythe des comédies romantiques clichés, la réalisatrice n’hésite pas à rendre ses personnages gris et à leur donner un passé mystérieux et un futur incertain, à l’instar de Rick et Ilsa dans Casablanca, que la scénariste cite comme source d’inspiration pour le réalisme de son film : « C’était l’une des premières fois où j’ai réalisé que ce n’est pas parce que l’amour existe que tu devrais te mettre en couple, te marier et avoir des enfants. Il faut comprendre que l’amour peut exister au-delà de ces choses. »
Celine Song déconstruit la comédie romantique cliché en proposant aux spectateurs une nouvelle morale plus réaliste sur le monde qui nous entoure et les relations amoureuses modernes. En ne choisissant pas la solution la plus facile et logique pour son avenir, Lucy brise les liens de la romance classique entre un homme et une femme. L’héroïne préfère se tourner vers le concret et le réel pour avancer, laissant derrière elle les rêves et contes de fées à la Pretty Woman et Coup de foudre à Notting Hill. Récemment, Sean Baker a lui aussi brisé les codes avec Anora, en faisant de son personnage principal une jeune femme marginalisée et indépendante, prête à tout pour se faire entendre dans un monde qui ne la comprend pas et qui ne veut pas lui donner la parole en raison de sa position.

Le cynisme dans les dramédies romantiques : un miroir de la réalité
Comment montrer et prouver que les comédies romantiques d’aujourd’hui sont différentes de celles des années 2000 sans passer par la critique et la moquerie ? Le cynisme. Materialists, Simple comme Sylvain et Julie (en 12 chapitres) sont trois films romantiques portés par des femmes qui n’ont pas peur de défier les normes sociales. Le constat est d’ailleurs le même pour Tashi dans Challengers qui adopte une attitude cynique tout au long du film malgré la passion qu’elle partage avec Art et Patrick. Au final, bien qu’elle soit une grande rêveuse, l’ancienne prodige du tennis sait que pour progresser, il faut être réaliste et par conséquent, cynique.

Le cynisme dans les comédies romantiques est de plus en plus présent et remarqué parce que le public est au rendez-vous. Les adultes veulent voir des films sur eux avec eux et Celine Song l’a bien compris : « Je ne pense pas que je serai un jour intéressée par une comédie romantique de ce type. La vérité, c’est qu’aucun de mes acteurs n’y participerait. Mes acteurs peuvent faire des comédies romantiques, mais la raison pour laquelle ils veulent faire ce film avec moi est qu’ils veulent parler de quelque chose. Ils veulent que ce soit sur le fait qu’ils ne sont pas des objets, mais des personnes. Même si le monde est cynique, on peut en sortir en étant amoureux. Ils n’auraient pas voulu faire un film fantastique. Ils ont fait ce film avec moi parce qu’on raconte quelque chose de vrai sur les adultes et sur les vrais problèmes de la vie, et on peut parler du mélange parfait entre le cynisme et la romance« .

Le réalisme absolu dans les comédies romantiques n’est donc atteignable qu’à travers le cynisme et des principes constamment remis en question. Voir à l’écran des personnages avec des défauts, des regrets et de l’espoir faire face à la réalité de la vie rend les sujets abordés plus profonds et intéressants pour le public puisqu’ils s’identifient. Et dans une ère où les romances originales ont parfois du mal à se démarquer et sortir du lot, il s’agit d’un choix de mise en scène et d’écriture logique. Les comédies romantiques modernes ont besoin d’être cyniques pour être un miroir de la réalité et pour déconstruire le système archaïque mis en place par les oeuvres des années 2000.

Drifa Maza
Journaliste
En plus d'être la fan numéro un de La La Land et Paddington, je suis aussi une grande passionnée de cinéma de toutes les époques, allant de ses débuts à aujourd'hui. Mon enfance a été bercée par les Pixar et l'ère Disney Channel. Je suis avec assiduité l'actualité Marvel, ciné, séries, française comme étrangère et je suis toujours à la recherche d'une nouvelle série à binger !