Cyrano : Joe Wright réinvente de Bergerac avec panache 

Cyrano : Joe Wright réinvente de Bergerac avec panache 

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Après de nombreuses productions théâtrales, télévisuelles et cinématographiques, Cyrano de Bergerac revient une nouvelle fois sur grand écran dans une comédie musicale adaptée par Erica Schmidt et réalisée par Joe Wright. De quoi offrir un nouveau regard sur ce grand classique d’Edmond Rostand, avec un héros différent, mais toujours aussi bouleversant. 

Le projet est audacieux, le défi est grand ! S’attaquer à un monument de la culture française est toujours un pari risqué et d’autant plus dangereux lorsque l’on ne parle pas la langue de Molière…ou en l’occurence, celle de Rostand. Pourtant, Joe Wright n’a pas hésité avant de se lancer dans cette entreprise périlleuse et a plongé avec envie et ambition dans le projet. Celui de porter sur grand écran la comédie musicale d’ Erica Schmidt, adaptée de Cyrano de Bergerac. Réécrit et transformé par cette dernière afin de proposer un héros sur mesure pour son mari, Peter Dinklage, ce Cyrano perd alors de sa splendeur pour se parer de nouveaux atouts. Le nez a été abandonné, la poésie ne s’envole pas avec la même légèreté, mais l’émotion reste, elle, inchangée. 

Un Cyrano petit en taille, mais grand en talent

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© Universal Pictures

Vous l’aurez compris, le film de Joe Wright n’aborde plus la question d’un visage disgracieux, défiguré par un appendice disproportionné, mais met en lumière un protagoniste, souffrant, lui, de sa petite taille. Le handicap est différent, mais la douleur est similaire. Cyrano est toujours ce même homme lettré au grand coeur, qui meurt d’amour pour la belle Roxane sans jamais pouvoir le lui avouer. Il va alors aider le jeune et beau Christian a séduire la demoiselle, en lui prêtant son esprit en échange de sa beauté.

Parfait dans ce rôle d’érudit plein de tendresse, Peter Dinklage apporte une véritable authenticité à l’histoire, en puisant directement dans sa propre expérience. Lui aussi a dû se battre pour exister par son talent et sortir des limites qu’on lui imposait, lui aussi a connu la marginalisation, mais lui aussi avait bien plus à dire qu’on ne voulait l’entendre. Ici, prêtant ses traits à l’illustre poète français, l’acteur américain de 52 ans se dépasse en explorant des contrées bien loin de sa zone de confort. On connaissait son éloquence et sa verve grâce à son interprétation du génial et truculent Tyrion Lannister dans la série Game of Thrones, mais on ignorait tout de ses talents de chanteur. Et si l’on sent que le comédien n’est pas totalement à l’aise avec les parties chantées du film, on ne peut que saluer sa volonté et son courage à se mettre en danger. 

De la poésie en musique

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© Universal Pictures

En réalisant un film en langue anglaise, il était bien sûr impossible pour Joe Wright et Erica Schmidt de rester fidèle à l’oeuvre d’Edmond Rostand. Les puristes crieront donc au scandale en découvrant les parties emblématiques de la pièce – telles que la tirade du nez ou l’homme tombé de la lune – jeté aux oubliettes, mais pourront néanmoins retrouver une certaine délicatesse dans la musique et les chansons originales composées par Bryce et Aaron Dessner sur des paroles de Matt Berninger et Carin Besser. L’effet n’est pas le même que la mélodie enchanteresse des dialogues du dramaturge français, mais ne manque cependant pas de romantisme. Un romantisme d’ailleurs brillamment incarné par Haley Bennett, qui livre ici une performance vocale envoûtante, charmant le public avec une naturelle simplicité.

Les morceaux chantés, qui nous faisaient si peur à l’origine, sont finalement agréables, bien dosés et servent correctement le scénario. Les scènes s’articulent avec fluidité et laissent de la place aux moments plus calmes, plus dramatiques, plus tragiques. Le manque d’acidité et de tranchant dans le texte réussit alors à se faire oublier, grâce à des acteurs sincères et enthousiastes, qui cherchent avant tout à faire briller leurs personnages et non à se mettre en lumière. Joe Wright réinvente donc ici un Cyrano moins tempêtueux et enflammé, plus mesuré et tempéré, mais tout aussi sensible et rêveur. Une figure romantique qui caresse le verbe avec douceur et traite l’amour, comme la guerre, avec passion, grandeur, mais aussi et surtout avec panache.

Retrouvez ici notre interview du casting de Cyrano.

Alexia Malige

Alexia Malige

Journaliste

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