Dragon Ball Super Broly : interview de Brigitte Lecordier (Goku), Mark Lesser (Broly) et Philippe Ariotti (Freezer)
Publié le Par Romain Cheyron
A l'occasion de la sortie de Dragon Ball Super : Broly au cinéma, Serieously a rencontré les voix historiques de la série : Brigitte Lecordier, Mark Lesser et Philippe Ariotti. Retour sur un phénomène inattendu, un film adoré et une carrière qui n'est pas prête de s'arrêter.
Racontez-nous un peu votre parcours avec Dragon Ball et Dragon Ball Z…
Brigitte Lecordier : j’ai fait des essais. A l’époque je jouais beaucoup de petits personnages, et j’ai vu ce nouveau projet arriver avec ce petit personnage et du coup on m’a demandé de faire les essais, puis j’ai été sélectionnée. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais c’était une super idée, je ne regrette pas. J’ai donc commencé par Goku, puis il a grandi, et même si au Japon c’est la même actrice de doublage pour toutes les versions du personnage (Masako Nozawa, ndlr), pour moi ça devenait compliqué de continuer à le doubler. Alors pour Dragon Ball Z, j’ai fait le petit Gohan, jusqu’à Cell, et c’est ce monsieur à mes côtés qui a pris le relais.
Mark Lesser : c’était Pierre Trabaud le directeur artistique de l’époque, qu’on aimait tous beaucoup, et j’avais déjà travaillé avec lui avant et je l’ai retrouvé sur Dragon Ball Z. J’ai commencé à doubler Trunks du futur, et Pierre a voulu que je reste alors j’ai fait la voix de Gohan… Et depuis je suis toujours là, je m’accroche.
Philippe Ariotti : je connaissais aussi Pierre Trabaud à l’époque, mais j’ai commencé le doublage très tard, j’avais 40 ans. Et je n’ai pas fait d’essai, et heureusement, sinon j’aurais peut-être pas été pris ! (rires) J’ai commencé par le cochon, Oolong, notamment parce qu’un acteur qui devait le doubler ne pouvait plus le faire. Et Pierre m’a demandé de le faire, alors j’ai essayé et il m’a dit que c’était bon. J’ai donné une couleur au cochon si je peux dire. Après est arrivé le gentil Piccolo, qu’on appelait Satan Petit Coeur dans la première version, et il m’a demandé de le doubler… Et puis est arrivé l’horrible Freezer. Beaucoup de gens l’adorent, ils aiment bien les gens méchants.
Brigitte Lecordier : on était une petite équipe à la base, 6 ou 8 personnes. Donc on se distribuait les rôles, parce qu’économiquement ça se faisait comme ça.
Philippe Ariotti : on enregistrait jusqu’à 5 épisodes dans une journée. C’était quand même énorme. Et pour en revenir à Freezer, on ne savait pas combien de temps il allait durer, comme pour tous les personnages, on ne savait jamais quand ils pouvaient partir. Et pour lui, en particulier, j’ai pris une voix plus chuchotée, plus aiguë, pour le différencier de Piccolo. Parce qu’il fallait faire attention aux scènes où les deux personnages apparaissaient ensemble. Il y a beaucoup de fans qui ne savaient pas que je faisais les deux personnages.
Mark Lesser : je pense que les gens se sont vraiment attachés aux voix françaises parce qu’on n’était pas beaucoup et qu’on mettait beaucoup d’énergie quand on doublait. On prenait beaucoup de plaisir à faire ça. On ne comprenait pas le japonais, donc il y avait forcément des approximations dans nos traductions, mais ça ne gênait pas vraiment les fans, qui se sont beaucoup attachés à nous. Et on le doit aussi beaucoup au Club Dorothée.
Brigitte Lecordier : et il faut remettre les choses dans le contexte, on ne recevait pas tout en japonais, on avait des traductions anglaises, et même parfois en espagnol ou même en italien. On pouvait même pas se référer aux mangas, parce qu’en France ils sont sortis après l’anime, donc on ne pouvait pas non plus savoir quand un personnage allait faire une courte apparition ou rester de très nombreux épisodes.
Comment expliquer le succès ? 30 ans après, Dragon Ball est encore immense dans le monde entier !
Brigitte Lecordier : c’est inexplicable.
Mark Lesser : on a un peu participé au développement, sans y être vraiment. On a découvert ça sur le moment, on ne connaissait pas du tout ! Des gens se questionnaient sur la violence notamment, mais très vite on a vu l’humour, les valeurs, le rapport à la famille et aux repas aussi. On adorait ces scènes de repas. Mais on n’avait pas vu venir ce succès. Et maintenant c’est l’un des piliers de la pop culture. Tout le monde connait, c’est entré complètement dans la société, dans l’inconscient collectif. C’est impressionnant.
Philippe Ariotti : je vais même vous dire, dans le journal Famille Chrétienne, il y avait un article qui disait que Dragon Ball véhicule de très bonnes valeurs, qu’on voit les gentils affronter les méchants.
Brigitte Lecordier : dans les années 90, les décideurs et les diffuseurs n’avaient pas vraiment compris ça, ces valeurs, le recul, l’humour, la dérision de cette oeuvre.
Philippe Ariotti : à l’époque il y avait le minitel, et quand on cherchait les séries qui marchaient le mieux, Dragon Ball était déjà en tête, et c’est là où je me suis dit qu’il y a quelque chose avec cet anime. Il y a quelque chose qui se passe, il y a un phénomène. Des fans m’avaient même trouvé dans l’annuaire pour m’appeler.
Brigitte Lecordier : et quand internet est arrivé, je recevais des messages de fans, c’était mignon et je me disais que j’allais les copier dans un carnet et les garder. Tu parles, au bout de 3 jours j’ai arrêté, il y avait une déferlante de messages. Sans parler des conventions dans lesquelles on rencontre les fans. Et il y a toutes sortes de gens, de plusieurs générations. Et j’adore.
Qu’est ce que ça vous a fait de vous retrouver pour Dragon Ball Super, des années après la fin de Dragon Ball Z ?
Mark Lesser : on s’était déjà vus pour Dragon Ball Z Kai, une version abrégée, et c’était pas mal, parce que l’histoire était resserrée. Avant on s’invectivait pour des scènes où il ne se passait pas grand chose, et on trouvait qu’il y avait quelques longueurs. Puis Dragon Ball Super, c’est la cerise sur le gâteau, c’était inattendu. Et on trouve la série vraiment sympa. Il y a eu des grosses discussions sur les graphismes, mais ça n’a cessé de s’améliorer.
Et vous avez pensez quoi de Dragon Ball Super : Broly ?
Mark Lesser : le voir monté, mixé, sur grand écran, ça fait plaisir. Parce qu’on voit le truc par petits bouts et pas toujours dans l’ordre. Et on n’est pas au spectacle, on travaille, donc on fait attention aux détails, à nos voix.
Brigitte Lecordier : j’ai vu le film en version française, et je voulais vous dire que je vous ai adorés tous les deux. Vous avez fait un énorme travail. L’énergie qu’il faut mettre pour crier pendant plus de 20 minutes, c’est incroyable.
Mark Lesser : j’avais peur d’un truc, si vous faites attention à la bande son, y’a un côté jeu-vidéo, avec une voix qui annonce les personnages. Je trouvais ça bizarre, mais une fois tout mixé, ça donne une dimension supplémentaire au film, ça fonctionnait vraiment bien.
Philippe Ariotti : sans oublier le graphisme, que j’ai trouvé formidable.
Brigitte Lecordier : j’y ai vu un retour aux sources, et je me suis dit que les fans des années 90 allaient adorer.
Romain Cheyron
Journaliste